Masturbation, homosexualité , la sexualité est tabou dans la culture arabe plus qu'ailleurs .Un magazine récemment lancé au Liban par la poetesse
Joumana Haddad a décidé de lever le voile . J'invite mon lectorat arabophone a s'abonner.
"J'ai mis des menottes ouvertes près du mot Jasad (corps en français ) sur la couverture, pour dire que je cherche à briser un tabou", explique ...."Nous
devons cesser de traiter nos corps, spécialement les femmes, comme s'il s'agissait d'une chose honteuse", explique-t-elle.
Des images sexuelles, notamment des reproductions d'oeuvres d'artistes célèbres, illustrent les articles écrits par des auteurs originaires d'Egypte, de
Jordanie, du Liban, du Maroc, des territoires palestiniens, d'Arabie saoudite ou de Syrie.
Considéré comme pornographique, le magazine ( Le magazine vendu dans une enveloppe en plastique fermée pour adultes ) a provoqué au Liban
la colère des autorités religieuses mais aussi d'organisations de femmes, comme quoi les pires ennemis de la liberation des femmes sont souvent les femmes elles mêmes . Elle reçoit beaucoup de
courrier incitant à la haine .
Hors du Liban, le magazine est vendu seulement par abonnement, Le plus grand nombre d'abonnements, a été enregistré en Arabie saoudite,
«Mon pari, explique-t-elle, était de proposer un magazine qui contribue à briser certains tabous et ce, en arabe. Notre langue est très libre.
Il existe de merveilleux textes, écrits pour certains il y a plus de mille ans, qui feraient rougir le lecteur occidental. J’ai voulu remettre dans un contexte moderne cette tradition.» En
reproduisant par exemple un extrait du Jardin parfumé ( déjà cité dans ma rubrique conseil de lecture ), manuel d’érotologie
multicentenaire dans lequel l’auteur, le Cheikh Nefzaoui, se livre à une truculente classification des différents types de phallus. Ou en demandant à des écrivains et artistes contemporains du
monde arabe de se faire pigistes et de proposer des textes originaux pour le magazine.
Je vous invite a découvrir son site en français sur ce lien
duquel j'ai extrait une de ses poésies en français pour que vous puissiez voir comme sa langue est belle .
"Je suis Lilith la déesse des deux nuits qui revient de son exil.Je suis Lilith la femme destin. Aucun mâle n'échappe à mon sort, et
aucun mâle ne voudrait s'échapper.
Je suis les deux lunes Lilith. La noire n'est complétée que par la blanche, car ma pureté est l'étincelle de la débauche et mon
abstinence, le début du possible. Je suis la femme-paradis qui chuta du paradis, et je suis la chute-paradis.
Je suis la vierge, visage invisible de la dévergondée, la mère-maîtresse et la femme-homme. La nuit car je suis le jour, le côté
droit car je suis le côté gauche, et le Sud car je suis le Nord.
Je suis Lilith les seins blancs. Irrésistible est mon charme car mes cheveux sont noirs et longs, et de miel sont mes yeux. La
légende raconte que je fus créée de la terre pour être la première femme d'Adam, mais je ne me suis pas soumise.
Je suis la femme festin et les invités au festin. Sorcière ailée de la nuit est mon surnom, et déesse de la tentation et du désir. On
m'a appelée patronne du plaisir gratuit et de la masturbation, et délivrée de la condition de mère pour que je sois le destin immortel.
Je suis Lilith qui retourne du cachot de l'oubli blanc, lionne du seigneur et déesse des deux nuits. Je recueille ce qui ne peut être
recueilli dans ma coupe et je le bois car je suis la prêtresse et le temple. J'épuise toutes les ivresses pour qu'on ne croie pas que je puis me désaltérer. Je me fais l'amour et me reproduis
pour créer un peuple de ma lignée, puis je tue mes amants pour faire place à ceux qui ne m'ont pas encore connue.
Je reviens du cachot de l'oubli blanc pour ceux qui ne m'ont pas encore connue, pour faire place je reviens et pour qu'on ne croie
pas que je puis me désaltérer, de la blancheur de l'oubli pour assiéger la vie et pour que le nombre croisse, pour tuer mes amants je reviens.
Je suis Lilith la femme forêt. Je n'ai pas subi d'attente souhaitable, mais j'ai subi les lions et les pures espèces de monstres. Je
féconde toutes mes côtes pour construire le conte. Je rassemble les voix dans mes entrailles pour que le nombre des esclaves soit au complet. Je mange mon corps pour qu'on ne me traite pas
d'affamée et je bois mon eau pour ne jamais souffrir de soif. Mes tresses sont longues pour l'hiver, et mes valises n'ont pas de plafond. Rien ne me satisfait ni me rassasie, et voilà que je
reviens pour être la reine des égarés dans le monde.
Je suis la gardienne du puits et la rencontre des opposés. Les baisers sur mon corps sont les plaies de ceux qui tentèrent. De la
flûte des deux cuisses monte mon chant, et de mon chant la malédiction se répand en eau sur la terre.
Je suis Lilith la lionne séductrice. Main de chaque servante, fenêtre de chaque vierge. Ange de la chute et conscience du sommeil
léger. Fille de Dalila, de Marie Madeleine et des sept fées. Pas d'antidote à ma damnation. De ma luxure s'élèvent les montagnes et s'ouvrent les fleuves. Je reviens pour transpercer avec mes
flots le voile de la pudeur, et pour essuyer les plaies du manque avec le parfum de la débauche.
De la flûte des deux cuisses monte mon chant
Et de ma luxure s'ouvrent les fleuves.
Comment pourrait-il ne pas y avoir de marée
A chaque fois qu'entre mes lèvres verticales brille un sourire ?
Parce que je suis la première et la dernière
La courtisane vierge
La convoitée crainte
L'adorée méprisée
Et la voilée nue,
Parce que je suis la malédiction de ce qui précède,
Le péché disparut des déserts lorsque j'abandonnai Adam.
Il erra ça et là, il brisa sa perfection.
Je le descendis sur terre et allumai pour lui la fleur du figuier.
Je suis Lilith le secret des doigts qui insistent. Je perce le sentier je divulgue les rêves je fends les cités du mâle par mon
déluge. Je ne réunis pas deux de chaque espèce sur mon arche: Plutôt je les deviens, pour que le sexe se purifie de toute pureté.
Moi, verset de la pomme, les livres m'ont écrite même si vous ne m'avez pas lue. Le plaisir débridé l'épouse rebelle
l'accomplissement de la luxure qui mène à la ruine totale. Sur la folie s'entrouvre ma chemise. Ceux qui m'écoutent méritent la mort, et ceux qui ne m'écoutent pas mourront de
dépit.
Je ne suis pas la rétive ni la jument facile,
Plutôt le frémissement de la première tentation.
Je ne suis pas la rétive ni la jument facile,
Plutôt l'évanouissement du dernier regret.
Moi Lilith l'ange dévergondé. Première cavale d'Adam et corruptrice de Satan. L'imaginaire du sexe refoulé et son plus haut cri.
Timide car je suis la nymphe du volcan, jalouse car la douce obsession du vice. Le premier paradis ne put me supporter. Et l'on me chassa pour que je sème la discorde sur terre, pour que je
gouverne sur les couches les affaires de mes sujets.
Sort des connaisseurs et déesse des deux nuits. Union du sommeil et de l'éveil. Moi, le fœtus poète, en me perdant j'ai gagné ma vie.
Je reviens de mon exil pour être l'épouse des sept jours et les cendres de demain.
Je suis la lionne séductrice et je reviens pour couvrir les soumises de honte et pour régner sur terre. Je reviens pour guérir la
côte d'Adam et libérer chaque homme de son Eve.
Je suis Lilith
Et je reviens de mon exil
Pour hériter la mort de la mère que j'ai enfantée."
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