MASSAGES HOT: ALCHIMIE DU SEXE ET DE L'AMOUR

Dans son livre, Technologies de l'orgasme. Le vibromasseur, l'hystérie et la satisfaction sexuelle des femmes, Rachel P. Maines, une historienne américaine, retrace l'histoire du vibromasseur et de la sexualité des femmes depuis l'Antiquité.

« En écrivant ce livre, j'ai été surprise d'apprendre que l'orgasme féminin était cliniquement produit (dans une relation médecin-patiente) dès 450 avant J.-C., et que seulement deux historiens en ont parlé »,

Soigner l'hystérie féminine par l'orgasme, tel fut, pendant des siècles, le souci des médecins, qui, scrupuleusement, pratiquèrent des massages pelviens sur leurs patientes. Par souci de rentabilité, l'orgasme n'étant obtenu, en moyenne, qu'au bout d'une heure, la plupart de ces massages furent délégués à d'autres femmes, infirmières ou sages-femmes. Toutefois, à la fin du XIXe siècle, l'électricité permit aux médecins de s'équiper d'efficaces instruments vibratoires. Avec la commercialisation du vibromasseur portatif, qui s'accompagna, aux Etats-Unis, d'une intense campagne de publicité, l'objet quitta le cabinet médical pour le domicile privé, où il s'installa durablement. Peu de gens savent que le vibromasseur était, au début du XXe siècle, le cinquième appareil électroménager le plus vendu, après la machine à coudre, le ventilateur, la bouilloire et le grille-pain. Unanimement salué par la critique lors de sa parution en 1999, ce livre, enfin traduit en français, est considéré, en histoire de la médecine, en histoire des femmes, en histoire culturelle et en histoire de la sexualité, comme une référence incontournable.

 

«L'hystérie féminine compte parmi les pathologies les plus fréquemment diagnostiquées au cours des siècles », rappelle l'auteure dans son livre. Mais à l'époque, ce mal-être des femmes était considéré comme une maladie qu'il fallait traiter. Une maladie provoquée par le manque de sexe, écrivait déjà Galien, vers 200 après J.-C. D'ailleurs, le mot hystérie signifie «qui relève de l'utérus» en grec.

Massages vaginaux


Pour calmer leurs symptômes, les hystériques étaient médicalement traitées. Les médecins pratiquaient des massages vaginaux, froidement, dans la salle de consultation. Un massage durait souvent une heure, soit le temps pour la femme d'atteindre l'orgasme. Comme un très grand nombre de femmes étaient diagnostiquées comme tel (certains médecins parlent de trois femmes sur quatre), il s'agissait d'un marché très lucratif. Mais les médecins trouvaient la tâche ardue, car il leur fallait de l'endurance pour tenir une heure. Ils demandaient souvent aux sages-femmes ou aux infirmières de prendre le relais.

Dès l'Antiquité, on retrouve des descriptions de ces massages «pour soigner l'hystérie ou la suffocation de la matrice». Galien les décrivait déjà comme des massages qui «déclenchent des contractions et une excrétion de fluide par le vagin ». Ce massage pelvien, qui aujourd'hui serait considéré comme un massage érotique, permettait à ces femmes d'entrer en «crise» et de mieux se porter ensuite.


Orgasmes cliniques


«Ce qui est troublant, c'est que les médecins de l'époque ne savaient pas forcément qu'ils provoquaient un orgasme, explique Rachel P. Maines. Car pour eux, et pour la société en générale, le plaisir sexuel se trouvait uniquement dans une relation sexuelle avec pénétration». D'autant plus qu'au XIXe siècle, une femme respectable ne pouvait avoir d'orgasme, rappelle l'auteure, car c'était mal vu.

«Rares sont les médecins qui recommandent le massage génital dans le cas d'hystérie, admettant que ce que l'on provoque est un orgasme», souligne Rachel P. Maines.

Pour faire jouir les femmes plus rapidement, les médecins projettaient un jet d'eau sur le vagin, ou encore ils plaçaient les femmes sur des fauteuils à bascules ou des balançoires pour provoquer un massage. On conseillait même aux célibataires, aux veuves et aux religieuses de pratiquer l'équitation comme moyen de prévention...

Avec l'apparition des vibromasseurs, à la fin du XIXe, les médecins ont pu pratiquer le massage vaginal plus rapidement. Le premier vibromasseur a été inventé vers 1880. Les vibromasseurs ont donc longtemps été utilisés à des fins médicales avant de devenir un jouet sexuel tel qu'on le connaît aujourd'hui. Ce n'est qu'en 1920 qu'on ne parlera plus du vibromasseur comme d'un outil médical.

La masturbation fera son apparition dans les traitements de l'hystérie seulement au début du XXe siècle. Et ce n'est qu'en 1952 que l'Association américaine de psychiatrie retirera l'hystérie de sa liste de maladies. Pour autant en 2004 au Texas des personnes ont encore  été arrétées pour avoir vendu des vibromasseurs alors que dans ce même état la vente du viagra est autorisée  ( no comment )


Le livre a fait l'objet d'une adaptation au cinema sous le titre " passion and power " disponible en DVD

 

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Rachel P. Maines, historienne, chercheur affiliée au département des Sciences de l'Université Cornell, aux USA

Lun 8 nov 2010 1 commentaire

Très intéressant cet article !

La référence au "Traitement de l'hystérie" de naguère me rappelle quelques illustrations/gravures du vieux dico des années 1920 dans lequel mon grand-père m'a appris à lire.

Il me semble aussi me rappeler qu'au 19e siècle l'hélium était également préconisé pour le traitement de la même "pathologie". 

Bien à vous deux,

Chris

Chris - le 13/11/2010 à 12h07